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MUSIQUE OCCITANE
Petit historique de la musique occitane
Territoire culturel aux contours différents de la région administrative récemment créée, l'Occitanie représente environ un tiers de la superficie de la France et s'étend du sud de la Loire aux Pyrénées - du Nord au Sud -, de l'Atlantique aux Alpilles et à la Méditerranée (excepté le Pays basque et la majeure partie des Pyrénées Orientales) – d'Ouest en Est.
La chanson occitane remonte à la poésie lyrique des troubadours*. Du XIe au XIVe siècle ces poètes et musiciens - généralement nobles ou chevaliers – ont, entre autres talents, codifié l'art d'aimer en inventant l'amour courtois (la fin' amor*) qui idéalise la femme jusqu'à la rendre inaccessible.
La chanson populaire apparaît peu après mais n'explosera véritablement qu'au XIXe siècle au moment où Hippolyte Fortoul (1811-1856), ministre de l'Instruction publique et du culte, lance une vaste campagne nationale de collectage des musiques traditionnelles. Par la suite, succédant aux centaines de collecteurs amateurs ou professionnels engagés dans cette aventure, Félix Arnaudin (1844-1921) par exemple, pour la région des Landes, consacrera sa vie à sauver de l'oubli ce patrimoine immatériel.
En accord avec la diversité géographique et sociologique de l'Occitanie, son répertoire musical est vaste et varié. Les airs à danser (bourrée d'Auvergne ou du Limousin, rondeau gascon, farandole niçoise,…) côtoient les chants polyphoniques, les chansons à boire ou les berceuses, et la musique savante se nourrit de ces chants traditionnels (« Chants d'Auvergne » de Joseph Canteloube).
Qu'ils soient anonymes ou non, certains classiques du répertoire occitan - comme Se canta, élevé au rang d'hymne et généralement attribué à Gaston Fébus (1343-1391) – sont parfois repris d'un bout à l'autre de l'Occitanie sous de multiples variantes, au point d'en perdre de vue leur origine.
Au début des années 60, dans le sillage du revival folk américain initié par Woody Guthrie et Pete Seeger, les militants occitans trouvent dans la chanson un moyen efficace de diffuser leurs revendications régionalistes (Claude Marti "Occitania !").
Après quelques manifestations d'envergure (le Larzac, en 1974), la chanson engagée perdra du terrain dans les années 70 pour laisser la place, à la suite d'une nouvelle grande période de collectage, à un folk plus traditionnel voué à la fête, aux baléti*, et davantage porté sur un militantisme culturel que politique.
Les années 80-90 amorcent un tournant. Au moment de l'émergence de la world-music, des groupes comme Massilia Sound System s'ouvrent au rock ou au rap et Claude Sicre - membre des Fabulous trobadors - perpétue le militantisme en prolongeant la pensée de l'écrivain Félix-Marcel Castan à l'origine de la Linha Imaginot (mouvement axé sur la solidarité et la défense des particularismes culturels).
Depuis, aux côtés d'un répertoire toujours mis en valeur par les instruments traditionnels (vielle à roue, accordéon, cabrette, flûtes, hautbois...), l'ouverture aux autres cultures se poursuit, avec l'élargissement au jazz notamment (Bernard Lubat, André Minvielle), et l'utilisation d'instruments plus modernes, électrifiés, allant parfois jusqu'aux musiques électroniques.
Quelques noms :
Troubadours
Guillaume IX d'Aquitaine (le premier troubadour) (1071-1176)
Bernart de Ventadour (ca 1140-1200)
Bertrand de Born (1140-1215)
Richard Coeur de Lion (1189-1199)
Chanson engagée
Guy Broglia / Claude Marti / Patric / Marie Rouanet / Joan Pau Verdier
Chanson et musique traditionnelle
Jan-Maria Carlotti / La Mal coiffée / Patric / Perlinpinpin folc / Rosina de Peira / La Talvera / Verd e blu / Gérard Zuchetto
Fusion avec le rock, le rap, les musiques méditerranéennes...
Du Bartas / Fabulous trobadors / Massilia sound system / Moussu T / Joan Pau Verdier
Petit lexique
Canso : chanson d'amour courtois, à l'époque des troubadours
Chansonnier : recueil de l'oeuvre des troubadours. Environ 2500 poèmes et 350 mélodies sont parvenus jusqu'à nous
Fin'amor : « amour courtois » en occitan. Sorte de « savoir-aimer » établi par les troubadours pour régir les rapports entre hommes et femmes, basé sur un profond sens de l'honneur et la noblesse des sentiments
Langue d'Oc : langue romane très proche du catalan, également parlée en Catalogne (Espagne) et dans les vallées du Piémont (Italie), et qui comprend plusieurs dialectes (auvergnat, gascon, languedocien, limousin, provencal, vivaro-alpin)
Troubadour (fém. Trobairitz): de Trobar (« trouver, inventer »). Poète et musicien du sud de la France, s'exprimant en langue d'Oc et généralement de haut rang. Leur influence dépassait les frontières, au point de servir de modèle aux Minnesänger (ménestrels allemands), d'être source d'inspiration pour Dante et sa Divine Comédie, et de séduire toute l'Europe intellectuelle.
Sources
Geneviève Brunel-Lobrichon, Claudie Duhamel-Amado. Au temps des troubadours : XIIe-XIIIe siècles. Paris : Hachette, 1999
Camille Martel & Jordan Saisset. Musiques occitanes. Marseille : Le Mot et le Reste, coll. Musiques, 2016
Valérie Mazerolle. Les chansons occitanes, outils de construction identitaire, 1965-1997. In Céline Cecchetto et Michel Prat (éd.) La chanson politique en Europe (Eidôlon n°82, pp. 177-186). Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 2008
Jean-Pierre Moulin. Une histoire de la chanson française : des troubadours au rap. Cabédita éditions, coll. Archives vivantes, 2004
Eric Roulet, Nathalie Roulet-Casaucau. Culture et musique populaires en Gascogne. Monein : Pyrémonde / Princi negue, 2005
Frank Tenaille. Musiques et chants en Occitanie : création et tradition en Pays d'Oc. Paris, ed. du Layeur, 2008