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LA MUSIQUE BRÉSILIENNE
Petit aperçu de la musique brésilienne
Au XVIème siècle, les Portugais colonisent le Brésil où les Amérindiens asservis, jugés piètre main-d'oeuvre, sont remplacés par des Africains déportés du Golfe de Guinée à Salvador de Bahia, alors capitale et grand port négrier où se développe une culture Noire essentielle à l'histoire musicale du pays. Les musiques brésiliennes vont donc se nourrir de l'apport des cultures amérindienne et africaine aux traditions européennes (danses de salon et bals masqués adoptés par l'aristocratie carioca après l’indépendance de 1822, modinha* portugaise,...), pour donner naissance à des styles divers basés principalement sur la guitare et les percussions.
Ainsi, dans le Sertão, zone désertique et hostile du Nordeste*, également berceau du forró* et du baião*, les repentes* improvisés chantent les déshérités que sont les cangaçeiros* ou les retirantes qui abandonnent leurs terres pour fuir la sécheresse,
À Rio, vers 1870, apparaît le choro, genre instrumental souvent improvisé qui se caractérise par l’intégration systématique des rythmes africains aux danses européennes.
L'abolition de l'esclavage, en 1888, et le déclin des plantations, provoquent un exode des familles noires de Bahia vers les favelas de Rio où elles apportent la samba de roda, une danse traditionnelle héritée des esclaves africains et qui est à l'origine, avec entre autres le maxixe, la marcha, et le choro, du samba urbain qui se déclinera plus tard en de nombreux sous-genres (samba canção, samba exaltação, samba de coco, etc...).
Symbole de la musique brésilienne avec ses choeurs mixtes et sa grande variété de percussions, c’est de sa rencontre avec l'entrudo* et le bal masqué descendu dans la rue que va naître à la fin du XIXème siècle le carnaval brésilien tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec ses écoles de samba, ses blocos* et ses afoxés*.
Dans un autre genre - la musique savante - le début du XXème siècle est dominé par Heitor Villa-Lobos (1887-1959) qui collecte chants et musiques populaires brésiliens pour les intégrer à ses œuvres (Bachianas brasileiras, Chôros,...)
La bossa nova naît à la fin des années 50 dans les quartiers favorisés de Rio, de la rencontre entre le samba et le jazz ; chaloupée, elle se chante à voix feutrée sur des mélodies sophistiquées. Elle connaît son apogée dans les années 60, et triomphe aux États-Unis en offrant au jazz de nouveaux standards (Girl from Ipanema, Desafinado,..).
Après le coup d'État de 1964 et l’arrivée de la dictature, apparaît le tropicalisme (ou tropicalià), mouvement culturel contestataire et réfractaire au nationalisme, qui se traduit en musique par la fusion d'éléments issus du rock anglo-saxon et des musiques brésiliennes, et dont les meneurs connaîtront la censure et l'exil forcé.
En parallèle, le fugace courant de la Jovem guarda, qui distille une pop édulcorée dans le style yé-yé, surprend avec l'électrification des instruments.
Tandis que la bossa nova s’étiole, un genre nébuleux prend forme, la MPB (Musique Populaire Brésilienne), mouvement éclectique hérité de la cançao de protesto et qui regroupe plusieurs tendances de la musique brésilienne.
Le samba et la bossa nova devenues des courants majeurs de la musique internationale, la musique moderne brésilienne s’est ouverte, depuis les années 80, à toutes les influences ; par exemple, le manguebeat, mâtiné de hip-hop, le funk carioca, ou les alliances avec l'électro.
PRINCIPAUX NOMS
Bossa nova : Astrud Gilberto / Joao Gilberto / Tom Jobim / Vinicius de Moraes
Choro : Joaquim Callado / Abel Ferreira / Pixinguinha
Forró : Luiz Gonzaga / Jackson do Pandeiro / Sivuca
MPB : Chico Buarque / Dorival Caymmi / Milton Nascimiento / Elis Regina / Marisa Monte
Samba : Ari Barroso / Cartola / João Nogueira / Paulinho da Viola
Tropicalisme : Gal Costa / Gilberto Gil / Os Mutantes / C. Veloso / Tom Zé
Brésil et jazz : Stan Getz / Quincy Jones / Charlie Rouse / Bud Shank
INSTRUMENTS DE BASE
Bossa nova : guitare / voix
Choro : flûte traversière / guitare / cavaquinho
Forró : accordéon / zabumba (tambour) / triangle
Samba : percussions
À ÉCOUTER
Bossa nova : Agua de beber / Aguas de março / Chega de saudade / Garota de Ipanema
Choro : Carinhoso / Um chorinho em aldeia / Espinha de bacalhau / Tico-Tico
Forró : Aboio / Agora é a minha vez / Asa branca / Vira e mexe
MPB : Fio maravilha / O que sera / Lança perfume
Samba : Aquarela do Brasil / Essa Moça Tá Diferente / Pelo telefono
Tropicalisme : Alegria, alegria / Panis et circenses / Tropicália
Brésil et jazz : One note samba (Samba de uma nota) / Girl of Ipanema / Desafinado
Petit lexique
Afoxé : instrument et groupe de pratiquants du candomblé
Baião : danse et musique du Nordeste, à l'origine avec flûtes et percussion, modernisé à
l'accordéon par Luiz Gonzagua dans les années 1940
Batucada : ensemble de percussions
Berimbau : arc musical à corde d'acier, originaire de l'Angola et associé à la capoeira
Bloco : groupe de participants au carnaval, en dehors des écoles de samba
Caboclos : métis d'indiens et de blancs
Capoeira : danse et art martial brésilien (Bahia), longtemps interdit, rythmé par le berimbau
Candomblé : religion afro-brésilienne vouée aux orixas, essentielle dans la musique brésilienne
Cangaçeiros : bandits du Sertão, pillards, parfois comparés à Robin des Bois
Entrudo : fête populaire brutale et débridée, sans musique, introduite par les portugais au XVIIIème siècle
Forró : diminutif de forrobodó, désigne à la fois les bals populaires du Nordeste, animés par
l'accordéon, et l'ensemble des musiques que l'on y joue (baião, forró, xote, arasta-pé,…)
Gafieiras : dancings, fréquentés par toutes les classes d'âge
Modinhas : chansons populaires sentimentales dérivées des modas, chansons lyriques
Nordeste : autrefois prospère, aujourd'hui la plus pauvre des cinq régions du Brésil
Orixas : divinités yorubas
Pagode : hérité des rites transmis par les descendants d'esclaves, ce terme désigne aussi bien un
morceau de samba que la réunion des musiciens qui le jouent
Repente : « répartie », réponse improvisée dans le genre musical du même nom (ou Cantoria),
issu des troubadours et interprété par les Repentistas
Samba : masculin au Brésil, le genre varie ensuite selon les auteurs avec une distinction selon qu'il s'agisse de la danse (féminin), ou du rythme musical (masculin)
Trio elétrico : à l'origine, trio de guitares électriques juché sur un camion qui sillonnait le carnaval.
Désigne aujourd'hui ces mêmes camions lourdement équipés
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
Gérard Béhague. Musiques du Brésil : de la cantoria à la samba-reggae. Paris, Arles : Cité de la Musique / Actes Sud, 1999
Mario Carelli. Brésil, épopée métisse. Paris : Découvertes Gallimard, 1987
Michel Faure. Une histoire du Brésil : naissance d'une nation. Paris : Perrin, 2016
Isabelle Leymarie. La musique sud-américaine : rythmes et danses d'un continent. Paris : découvertes Gallimard, 1997
Véronique Mortaigne. Brésil : musiques du Nordeste. Paris : Ed. du Layeur, 2000
David Rassert. Musiques populaires brésiliennes. Marseille : Le Mot et le Reste, 2014
DVD
Yves Billon. Samba opus. Sony BMG, 2003
Mika Kaurismaki. Moro no Brasil. Films sans frontières, 2005
Marie-Clémence et Cesar Paes. Saudade do futuro. Paris : Laterit Productions, 2003