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MUSIQUE ARGENTINE
Petit aperçu de la musique argentine
Au 16e siècle, l'explorateur espagnol Juan Diaz de Solis, croyant trouver un passage vers l'Asie, pénètre dans l'estuaire du Rio de la Plata* où il se heurte aux Indiens.
Les expéditions suivantes, fondées sur la rumeur indienne d'un Royaume d'argent, échouent à cause des difficultés climatiques et de l'hostilité des indigènes. La conquête de ce nouveau territoire s'en trouve considérablement ralentie et Buenos-Aires, la future capitale, n'est définitivement bâtie qu'en 1580.
Afin de subvenir aux besoins en main d'oeuvre, les Espagnols recourent à l'Encomienda* pour asservir les indiens qui ont échappé aux massacres et aux maladies, avant de faire venir des esclaves d'Afrique à la fin du 16e siècle.
Dans ce vaste territoire faiblement peuplé dont les Espagnols ne contrôlent qu'une petite partie, chaque région a ses propres genres musicaux avec lesquels les indigènes - déjà affaiblis par les Incas - et les Noirs africains tentent de conserver leur identité face à la domination culturelle appliquée par les soldats et les missionnaires espagnols.
C’est du brassage de ces populations indiennes, africaines, espagnoles, avec plus tard l'immigration européenne du tournant du 19e siècle, que naît le peuple argentin. Et c'est ce même métissage qui va façonner son folklore (musiques de fête, de carnaval, rituelles, danses de séduction, joute poétique, etc), avec la grande migration interne de la seconde moitié du 20e siècle, avec les emprunts aux musiques des pays voisins (Chili, Paraguay, Bolivie, Pérou…), avec aussi l’influence du Quechua* hérité des Incas.
Au 18e siècle, l'apparition des premiers élevages dans la pampa annonce la naissance du gaucho*, personnage mythique célébré dans l'épopée Martin Fierro, de José Hernandez (1872). Cow-boy itinérant, à la réputation parfois douteuse, il endossera aussi le costume du payador*, poète-paysan comparable au troubadour, qui excelle dans les joutes poétiques verbales improvisées où il s'accompagne à la guitare. C'est en portant sa poésie, la payada, et la milonga campesina jusque dans les villes qu'il relie le tango à la musique rurale.
Au 19e siècle apparaît la chacarera*, dans le Centre-Nord du pays, danse folklorique en couple accompagnée à la guitare et au tambour (Bombo legüero).
Au Nord-Est, le chamamé* des indiens Guarani, une musique à la fois nostalgique et joyeuse, mixe musique espagnole et danses européennes (polka, mazurka, valse), au son de l'accordéon (Raul Barboza).
Repérée au 19e siècle également, mais très vraisemblablement antérieure, la milonga*, d'origine africaine, se divise en campesina (paysanne), musique rurale typique de la culture gaucho, et ciudadana (citoyenne) dans les années 1930. Elle est l'une des influences majeures du tango.
A partir des années 30, les grandes vagues de migration interne associées aux nouveaux moyens de diffusion (radio, disques,…) favorisent la circulation de la musique et provoquent un véritable boom de la folklórica dans les années 50.
La Nueva canción des années 60, qui allie musique traditionnelle et chanson engagée dans un contexte de revendications sociales, est emmenée, entre autres, par Atahualpa Yupanqui et Mercedes Sosa avant d'être interdite par la censure de la dictature dans les années 70.
Plus récemment, tous ces genres ont continué d'évoluer parallèlement aux nouvelles orientations prises vers les musiques urbaines actuelles (Kevin Johansen, La Yegros, Los Fabulosos cadillacs, etc...).
QUELQUES NOMS
Chacarera : Los Chalchaleros
Chamamé : Raul Barboza / Chango Spasiuk
Nueva cancion : Mercedes Sosa « La Negra » / Atahualpa Yupanqui
Tango : Carlos Gardel / Astor Piazzola / Anibal Troilo / Osvaldo Pugliese
Petit lexique
Arrabal : faubourg
Bailetin : petit bal
Candombé : genre complet, musique et danse carnavalesque, d'origine africaine. Un des éléments essentiels du tango, qui illustre la place de premier plan des Noirs dans la culture argentine
Canyengue : façon d'être, de marcher, « allure canaille » typique des faubourgs et que l'on retrouve dans la gestuelle du tango
Chacarera : danse traditionnelle en couple, originaire du Nord, accompagnée à la guitare et au tambour (Bombo legüero)
Chamamé : musique joyeuse et dansante inspirée de la polka et de la valse, originaire du pays Guarani, au Nord-Est. Accordéon et guitare
Criollo : du portuguais criulo, « élevé comme », désigne les descendants des colons espagnols et européens, nés sur place. Pourrait-être traduit par Créole, avec une nuance supplémentaire d'appartenance à un pays
Encomienda : régime de travaux forcés instauré dans l'Empire colonial hispanique
Festival de Folk de Cosquin : créé en 1961, le plus important festival de folk en Argentine
Payador : poète-paysan apparu au XIXe siècle, qui improvise ses chansons en vers, dans les genres poétiques cifra, estilo, payada. A rapprocher des troubadours ou des rappeurs
Milonga : désigne à la fois une musique, une danse, et le lieu où l'on danse. Élément essentiel du tango (tango-milonga)
Quechua : langue impériale des Incas, aujourd'hui parlée dans plusieurs pays d'Amérique latine et langue officielle au Pérou, en Bolivie et au Chili
Rio de la plata : « Fleuve de l'argent » dont l'estuaire sépare l'Argentine et l'Uruguay
Sainete : forme de théâtre populaire apparenté à l'opéra-comique. Composé de petites scènes centrées sur la vie dans les conventillos* (voir lexique tango), utilisées ensuite dans le tango
Sources
Étienne Bours. Dictionnaire thématique des musiques du monde. Paris : Fayard, 2002
Collectif. Atlas de l'Amérique latine : le continent de toutes les révolutions. Paris : Autrement, 2012
Rémi Hess. Le tango. Coll. Que-sais-je ? Paris : P.U.F., 1996
Isabelle leymarie. La musique sud-américaine : rythmes et danses d'un continent. Paris : Gallimard, coll. Découvertes, 1997
Marie-Chloé Pujol-Mohatta. Tango-dico ! : dictionnaire voyageur et initiatique du tango. Gémenos : Autres-temps, 2013