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FLAMENCO
Petit historique du Flamenco
Mentionné pour la première fois au XVIIIe siècle, le flamenco est un art complexe et très codifié, hermétique au profane, dont les origines (ainsi que celles de son nom) sont encore aujourd'hui sujettes à discussion. Une certitude toutefois, son lieu de naissance : l'Andalousie, où coexistaient pacifiquement depuis des siècles les cultures andalouse, arabe et juive.
C'est ce territoire riche de multiples échanges qu'abordent au XVe siècle les Gitans, conclusion de l'exode forcé qui les a conduit de l'Inde aux Balkans (où ils ont essaimé au XIVe siècle) par les routes de l'Orient à travers la Perse, l'Irak, la Syrie,...
Musiciens hors-pair, très appréciés pour leurs facultés d'assimilation et d'interprétation des folklores qu'ils rencontrent en chemin et qu'ils enrichissent de leur personnalité, les Gitans ne furent probablement pas les seuls créateurs du flamenco mais très vraisemblablement les premiers interprètes.
Le flamenco primitif est une musique du peuple, issue des bas-fonds et des quartiers pauvres andalous et gitans, ce qui lui vaudra longtemps une réputation sulfureuse.
Façonné au cours des siècles sur un socle de folklore andalou et de chansons gitanes (cante gitano), agrémenté d'ornements orientaux, le flamenco s'exprime prioritairement par le chant (cante) dont les textes (coplas*), souvent sombres, témoignent des tourments de l'âme gitane et reflètent une réalité désastreuse pour les populations pauvres, faite de misère, d'oppression et d'injustice sociale. Cette culture de transmission orale servira par ailleurs longtemps de lien entres les différentes communautés.
Il existe une cinquantaine de types de chants différents (palos*) répartis en trois catégories distinctes : a palo seco (sans accompagnement), a compas (accompagnement mesuré), libres con guitarra (accompagnement libre). D'une grande complexité, le chant flamenco, brut, sincère, d'une gravité ardente, balaie toutes les passions humaines, exprimant le plus souvent de façon dramatique la douleur physique ou morale.
La guitare flamenca, apparue au XIXe siècle, passe progressivement d'un rôle secondaire d'accompagnement au rang d'instrument soliste à part entière, par l'entremise de Ramon Montoya (1880-1949), et devient l'attraction principale de récitals où s'exprime le génie de guitaristes virtuoses (Ramon Montoya, Sabicas, Paco de Lucia, pour ne citer qu'eux).
La danse, pratiquée généralement par une femme seule, parfois un homme, a surtout un rôle de divertissement où l'esthétique chère au flamenco, entre la flamboyance des robes et la sobriété des costumes masculins, s'est exprimée pleinement avant d'être remise en question par les danseurs actuels.
De 1850 à 1920 environ, l'avènement et l'essor des cafés cantantes* signe l'âge d'or du flamenco. En s'extrayant des cercles restreints où il était confiné – fêtes de famille ou petites réunions entre aficionados –, cet art jusque là confidentiel touche un public diversifié qui offre aux chanteurs une reconnaissance sociale. Cependant le revers de la médaille est l'appauvrissement progressif du flamenco originel vers des formes de spectacle parfois superficielles, très éloignées des racines et peu soucieuses de chronique sociale (ballets, opera-flamenco).
Depuis les années 70, après l'époque sombre de la dictature franquiste où ce fier art populaire se retrouva réduit à une caricature pour touristes, le flamenco s'ouvre à de nouveaux horizons musicaux, toujours dans le respect de ses racines. Dans le sillage de Camaron de la Isla, Paco de Lucia, ou Tomatito (précurseurs de la fusion avec le rock et le jazz), de nouvelles voix tournées vers l'Afrique, l'Amérique latine, voire les nouvelles musiques urbaines se font entendre sous l'appellation Nuevo flamenco (Ketama, Son de la frontera, Songhai,…).
Quelques noms :
Chant : La Nina de los Peines (1890-1969) / Agujetas (1939-2015) / Camaron de la Isla (1950-
1992) / Antonio Chacon (1869-1929) / El Chocolate (1930-2005) / Terremoto de Jerez
(1934-1981)
Guitare : Ramon Montoya (1880-1949) / Paco de Lucia (1947-2014) / Sabicas (1912-1990)
Danse : Carmen Amaya (1913-1963) / La Joselito (1906-1998) / Joaquin Cortès (1969-….) / El
Farruco (1936-1997) / Antonio Gades (1936-2004)
Petit lexique
Al-Andalus : ancien nom de l'Espagne (du VIIIe au XVe siècle) – sous domination musulmane –, dont une partie deviendra l'Andalousie après l'expulsion par l'Inquisition espagnole des Maures et des Juifs à la fin du XIVe siècle
Cafés cantantes : cafés-concerts actifs du XIXe au début du XXe siècle, qui proposaient entre autres des spectacles flamencos à un large auditoire, leur donnant ainsi un statut professionnel
Cante jondo : litt. « chant profond ». Attribué en 1922 par Manuel de Falla lors du 1er Festival de chant flamenco qu'il organise à Séville avec Federico Garcia Lorca, dans le but de remplacer l'image péjorative du nom flamenco. Désigne les chants primitifs, originels, venus du fond de l'être, par opposition au Cante chico (« petit chant »), Cante Intermedio et Cante pronto, au registre plus léger ou plus festif
Compas : structure rythmique attribuée à chaque style de chant
Coplas : strophes constituant le chant flamenco
Duende : difficile à appréhender, ce terme désigne un état second, de possession, un état de grâce et d'enchantement qui, s'il est présent, permet à l'artiste de se livrer totalement, de littéralement mettre son âme à nu jusqu'à provoquer la transe en lui-même ou ses auditeurs
Flamenco : nom d'origine incertaine, à connotation négative. Parmi d'autres hypothèses plus ou moins sérieuses, viendrait de l'arabe fellah mengu (paysan exilé). D'autres avancent la situation de familles gitanes ayant obtenu des privilèges après avoir servi dans l'armée des Flandres (flamands = flamencos en espagnol)
Jaleo : interjections, onomatopées lancées pendant le chant ou la danse pour ponctuer la rythmique et encourager les artistes. Également le nom d'une danse
Palmas : claquements de mains en accompagnement, pour le chant et la danse
Palo : désigne les différentes catégories de chant
Tonas :chants flamencos primitifs, dépourvus d'accompagnement
Zapateado : danse flamenca réalisée par des claquements de talons ("zapateo") et de pointes, également pratiquée en Amérique du Sud
Sources
Jean-Louis DUZERT et Ludovic PAUTIER. Balada flamenca. Serres-Morlaas : Les Éditions de l'Atelier in8, 2011.
Bernard LEBLON. Flamenco. Paris : Cité de la musique / Actes Sud, 1995.
Jean-Marie LEMOGODEUC. Le Flamenco. Paris : P.U.F., "Que sais-je ?", 1989.
Gabriel et Bernardo SANDOVAL. Le Flamenco : entre révolte et passion. Toulouse : Ed. Milan, 1998.