Dossiers thématiques et Discographies
LA MUSIQUE TSIGANE
Petit historique de la musique tsigane
L'origine des Tsiganes*, restée longtemps une énigme, se situerait en Inde du Nord selon les recherches qui font découler leur langue - le romani*, et ses dialectes divers -, du sanskrit. Pour des raisons inconnues ils quittent le continent indien aux alentours du Xème siècle, par vagues successives, parcourant les routes d'Orient (Perse, Irak, Syrie, Égypte,…) avant de s'établir en Europe à la fin du XVème siècle. Certains se dirigent vers l'Espagne tandis que d'autres prennent le chemin de l'Europe de l'Est et des Balkans* où ils essaiment.
Durant leur longue errance les Tsiganes s'imprègnent des cultures des pays traversés, adoptent au fur et à mesure de nouveaux instruments et s'adaptent, pour satisfaire leur public, aux différents folklores musicaux qu'ils s'approprient avant de les restituer transfigurés et sublimés.
En Espagne, les Gitans (qui tirent leur nom de leur passage en Petite Égypte), participent à la création du flamenco apparu au XVIIIème siècle, mélange de leurs traditions musicales et du folklore andalou, avec des influences orientales.
En Europe Centrale et dans les Balkans, où les Tsiganes endurent les peines du servage et de l'esclavage, leur virtuosité dans l'interprétation du folklore local attise les passions et leur vaut d'être jalousement gardés au service des boyards* ou des rois, ou, pour les moins « chanceux », enrôlés dans les cliques des armées turques et hongroises.
Au XIXème siècle les compositeurs romantiques (Franz Liszt en tête, mais aussi Brahms, Haydn, Berlioz,...) succombent à la magie tsigane qui donne une nouvelle vie aux Csardas* (danses d'auberge) ou aux Verbunkos* hongrois (danses de recrutement militaire), aux chansons rituelles et aux ballades, et parsèment leurs œuvres de ces airs traditionnels, tandis que les « Bohémiens » portés par de nouvelles vagues de migration fascinent le Tout-Paris et enchantent avec leurs violons la clientèle des restaurants chics.
En Macédoine et ailleurs, les fanfares balkaniques perpétuent l'héritage des fanfares militaires ottomanes.
En France au XXème siècle, le jazz naissant n'échappe pas à la fièvre tsigane. Très vite, dans les années 30, Django Reinhardt avec son Hot Club de France élabore le jazz manouche à base de swing, de valse musette et de rythmes d'Europe centrale, originellement interprété par deux guitares, une contrebasse et un violon.
L'existence d'une « musique tsigane » proprement dite, liée aux origines hindoues, est toujours débattue depuis les travaux de collecte de mélodies populaires menés par Kodaly et Bartok, et selon certains cette appellation recouvre essentiellement la musique traditionnelle hongroise interprétée à la manière tsigane.
Cette signature se caractérise par un répertoire et une interprétation riches en émotions, à l'expressivité spectaculaire parfois excessive tant dans le côté festif et exubérant des tarafs* et fanfares qui animent mariages et festivités diverses, que dans la mélancolie des chants lents et nostalgiques des lăutari* roumains.
Depuis quelques décennies, l'engouement croissant pour ces précurseurs de la world-music s'exprime dans tous les styles de musique (rock-gitan, jazz manouche, chanson-swing,…).
PRINCIPAUX NOMS
Espagne : Camaron / Paco de Lucia
France : Django Reinhardt / Bratsch / Urs Karpatz
Hongrie : Kalman Balogh / Clan Lakatos / Romano Drom
Macédoine : Kočani Orkestar / Ferus Mustafov / Esma Redžepova
Roumanie : Fanfare Ciocarlia / Taraf de Haïdouks / Maria Tanase
Serbie : Goran Bregovic / Ljiljana Butler
Musiciens historiques :
Mihály Barna (1810-1888) / János Bihari (1764-1827) / Panna Czinka (1711-1792)
INSTRUMENTS DE BASE
Taraf : violon / accordéon / contrebasse / batterie / flûte de Pan / cymbalum
Fanfare : cuivres / percussions / clarinette
À ÉCOUTER
Djelem djelem (Hymne de la communauté rom) (Zarko Jovanovic / Saban Bajramovic)
Marche de Rakoczi (ancien hymne hongrois) (Mihaly Barna)
Minor swing (Django Reinhardt)
Les Yeux noirs (Yevhen Hrebinka)
Petit lexique
Balkans : région montagneuse d'Europe du Sud-Est. Bordée par la Méditerranée d'un côté et la Mer noire de l'autre, elle englobe aujourd'hui l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro,la Serbie ainsi qu'une partie de la Turquie et, selon les versions, la Roumanie et la Hongrie
Boyard : aristocrate d'Europe de l'Est
Bratsch : violon alto, en allemand
Csardas : danses d'auberges. Danse de couple hongroise
Cymbalum (cimbalon en hongrois) : instrument à cordes frappées, de la famille des cithares sur table, adopté par les orchestres tziganes au XVIIIème siècle
Haïdouk : hors-la-loi, bandit de grand chemin, équivalent balkanique de Robin des Bois
Lăutar (pl. Lăutari) : de Lăută, luth. Musiciens traditionnels roumains
Romani : ancienne langue indo-aryenne composée de différents dialectes qui se conforment aux langues d'origine des différents pays d'accueil des Tsiganes
Taraf : mot d'origine arabe qui signifie « bande », « troupe », et dont le personnel - qui ne lit généralement pas la musique - varie selon les besoins (de 4 à 10 musiciens). Rôle central dans l'animation des fêtes où il joue parfois plusieurs jours sans interruption
Tsiganes : ou Rom, comme ils se nomment. Peuple constitué de groupes divers suivant leur pays d'accueil : Gitans (Afrique du Nord, Espagne,...), Kalderash (Europe de l'Est), Manouches (Nord de la France), etc
Verbunkos : danse de recrutement pratiquée dans les campagnes, où les danseurs frappent leurs bottes avec les mains
Sources BIBLIOGRAPHIQUES
Henriette Asséo. Les Tsiganes : une destinée européenne. Paris : Gallimard, 1994
Samuel Delépine. Atlas des tsiganes. Paris : Autrement, 2016
Bernard Leblon. Musiques tsiganes et flamenco. Paris : Ed. L'Harmattan, 1990
Jean-Pierre Liégeois. Roms et Tsiganes. Paris : La Découverte, 2009
Patrick Williams. Les Tsiganes de Hongrie et leurs musiques. Arles : Actes Sud, 1999
CD
L'Épopée tzigane : road of the gypsies / Network Medien, 1996
Russian gypsy soul / Network Medien, 2000
Tziganes : Paris, berlin, Budapest 1910-1935 / Frémeaux & Associés, 1993