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LES MECHANTS DANS LES SERIES TV
«Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film» Alfred Hitchcock
Un genre qui évolue
A la fin des années 1990, la chaîne câblée américaine HBO a joué un rôle déterminant en proposant des séries comme les Soprano, Six feet under changeant ainsi le statut de ces œuvres souvent négligées pour leur caractère grand public. La complexification de la narration, une écriture plus audacieuse parfois transgressive, ont permis aux séries américaines d'acquérir une dimension plus qualitative.
Au tournant des années 2000, les personnages des séries ont également évolué, laissant de côté les héros justes et infaillibles au profit des anti-héros n’hésitant pas à transgresser les règles morales pour parvenir à leurs fins.
Qu’il s’agisse du professeur de chimie fabricant de drogue, Walter White ou de Dexter Morgan, expert en médecine légale et tueur en série, nous assistons pour certains spécialistes à « une extension de l’immoralité à la télévision. » Pour d'autres cette évolution est symptomatique d'un changement culturel profond propre aux sociétés occidentales qui développent un rapport ambigu au mal.
Pourquoi aimons-nous les méchants des nouvelles séries TV ?
Les « méchants » ont toujours existé mais jamais comme personnage central d'une série. Aujourd'hui les anti-héros sont devenus des figures d’identification positive. La complexité des personnages, leurs conflits intérieurs rendent la narration plus dense, plus captivante ou décalée à l'image de Tony Soprano, parrain d'une organisation mafieuse qui, en proie à des crises d'angoisse, consulte une psy en cachette.
Le format même de la série, avec ses rendez-vous réguliers dans le temps, parfois sur plusieurs années, favorise l'attachement au personnage.
La fin du manichéisme
Les anti-héros ne sont pas nés méchants mais le deviennent parfois par nécessité. Ils nous ressemblent, ils éprouvent bien souvent les mêmes besoins que nous : sécurité, estime, reconnaissance ou épanouissement.
Les nouvelles séries télé sont des reflets de nos aspirations comme le miroir de la société. Ancrées dans la réalité, elles mettent en lumière les contradictions de la société contemporaine.
C'est la morale individualiste qui règne loin des règles morales communes qui régissent la société. La seule limite de ces héros : se faire prendre ou ne pas se faire prendre. Ils sont le plus souvent imprévisibles, toujours sur le fil. Mais guidés par la nécessité et un sens moral très personnel : Dexter ne tue que des assassins. La frontière entre le bien et le mal est ténue. Dans Oz, première série qui se déroule en milieu carcéral, les personnages, tous négatifs, sont néanmoins travaillés par la rédemption, un besoin de salut religieux.
Pourtant l'effet de distanciation rompt le processus d'identification au personnage principal lorsque les limites « acceptables » sont franchies. Dans Breaking bad, Walter White suscite d'abord l'empathie puis le rejet quand il finit par prendre goût au pouvoir que lui donne son trafic…
Ce qui enrichit les nouvelles séries télévisées américaines mais aussi anglaises, scandinaves ou françaises, c'est la mise en exergue de la complexité de l'âme humaine, des zones d’ombres et des interdits plus que la nécessité du happy end ou de l'adhésion inconditionnelle à une figure d'identification positive.
Pour en savoir plus :
Les séries télé nous donnent-elles des leçons de vie amorales ?
https://www.franceinter.fr/emissions/ca-va-pas-la-tete/ca-va-pas-la-tete-05-aout-2016