Histoire en séries
Une histoire qui dure…
Depuis ses débuts, le cinéma fait la part belle à l’Histoire. Tout naturellement, les séries télévisées s'en sont saisis à leur tour. Dès les années 50, aux Etats-Unis, la télévision diffuse en masse les premières séries : des westerns et des péplums, genres déjà populaires sur grand écran. En France, « la Caméra explore le temps » (1957) ou « les Rois Maudits » (1972) ont marqué l’histoire de l’ORTF. Le Royaume-Uni affiche également une production de séries prestigieuses, telle que « The Forsyte saga » (1967). De Conan Doyle à Charles Dickens en passant par Charlotte Brontë ou Shakespeare, les séries historiques britanniques ont abondamment adaptés et dépoussiérés les grands auteurs « maison ». Lorgnant sur les succès outre-manche, la production française propose à son tour des créations originales. Les séries « Un village français » (2008) ou encore « Versailles » (2015) en attestent.
Pourquoi les séries télévisées en costumes rencontrent-elles aujourd'hui un tel engouement ?
Depuis une dizaine d'années, afin d'attirer toujours plus de spectateurs et de les fidéliser, les acteurs de l'industrie télévisuelle se sont emparés de l'Histoire avec un grand « H ».
Plus qu'un simple divertissement...
La temporalité des séries, les moyens de production mis en œuvre, les ressorts narratifs, la rigueur historique engendrent des fictions particulièrement crédibles. Face à des reconstitutions soignées, des décors somptueux, des personnages charismatiques, même les moins férus d’Histoire finissent par se laisser tenter.
Pendant longtemps, les universitaires, les historiens étaient les détenteurs de la connaissance du passé. Puis les séries se sont mises à concurrencer le discours académique, à travers la scénarisation, le discours par l'image. Aujourd'hui, les producteurs, en s'entourant de conseillers historiques, revendiquent une certaine authenticité de leurs séries.
La série « The Crown » (2016) qui relate la vie d’Élisabeth II essaye d’être au plus près de la réalité, notamment par son scénario et la ressemblance des acteurs avec les membres de la famille royale.
La grande force des séries en tant que produit de la culture de masse est d'imposer une imagerie crédible du passé grâce aux soins apportés aux décors et aux costumes. Elles contribuent ainsi à la réinterprétation de l'histoire par notre société contemporaine.
Les séries façonnent notre vision du passé et recomposent notre manière d’imaginer l’Histoire.
Petite ou grande histoire ?
Les reconstitutions les plus plausibles s'attachent aux petits détails comme aux grands.
L'histoire, la petite comme la grande, est un réservoir inépuisable de récits potentiels à même de captiver le spectateur : trahisons, sexe, luttes de pouvoir, amour, haines familiales…
Basée sur des personnages et des faits réels, la série « Masters of sex » (2013) raconte les travaux de deux sexologues américains dont les études en laboratoire, au coeur des années 60 (en plein puritanisme), ont bouleversé notre compréhension de la sexualité. Créée par Michelle Ashford, d'après le roman éponyme de Thomas Maier, la série est très proche de la réalité.
Dans « The Knick » (Steven Soderbergh, 2014), le Dr John Thackery, joué par Clive Owen, est inspiré par le Dr William Halsted (1852-1922), l’un des pères de la médecine moderne. Ce dernier a introduit un certain nombre de procédures opératoires nouvelles dont certaines sont encore utilisées aujourd'hui. Auteurs et réalisateurs ont fourni un travail important pour reconstituer avec détail le contexte de la médecine du début du XXe siècle. Plus que dans les livres d'histoire, ils ont puisé dans une collection privée regroupant des milliers de photographies médicales appartenant au Dr Stanley Burns, conseiller médical de la série.
"Peaky Blinders" (2013), basée également sur des faits réels, est une fresque historique, sociale et familiale sur les gangsters du Birmingham de l’entre-deux-guerres particulièrement soignée et précise.
Quelle est vraiment la place de la vérité historique dans les séries ?
La temporalité des événements dans la série n'est pas celle des faits historiques. Les événements sont condensés toujours dans le but de tenir le spectateur en haleine et de le fidéliser. Dans « The Knick », les découvertes scientifiques, qui dans la réalité s'étalent sur 30 ans, sont ramassées sur deux années seulement. Le choix des acteurs peut différer du réel pour être plus en phase avec les goûts du public actuel. « Orgueil et préjugés » (1995) marque un tournant majeur pour le genre en donnant une orientation plus « sexy ». Véritable phénomène – Colin Firth est encore aujourd’hui associé au rôle de M. Darcy – cette minisérie est un succès critique et public qui dépassera les frontières de l’Angleterre.
« The Tudors » raconte de manière romancée et très librement adaptée, la vie d'Henri VIII d'Angleterre, son règne tourmenté et ses mariages successifs. La série prend des libertés avec l'histoire – anachronismes, simplifications narratives. Jonathan Rhys Meyer joue Henri VIII dans « The Tudors » (2007). L'acteur est beaucoup plus petit que le monarque, il est épilé, érotisé. Ce choix marque une rupture avec l'image que l'on associe traditionnellement au vieil Henri VIII. Malgré ses défauts, elle reste une fiction dramatique plutôt réussie.
Célébrées par un public de consommateurs enthousiastes, visuellement très convaincantes, les séries télévisées historiques plus étayées et mieux construites, ne cessent de conquérir de nouveaux publics.
L'engouement pour le genre interroge sur l’évolution des rapports de nos sociétés au passé tout comme sur la relation entre histoire et fiction.
GLOSSAIRE
Bible : La bible est un document de référence qui renseigne les scénaristes sur le thème, la tonalité de la série, les personnages. C'est un des premiers documents à être rédigé par les créateurs de la série au début du processus de conception et d'écriture.
Biopic : Série ou mini-série retraçant tout ou partie de la vie d'une personnalité connue, de façon romancée ou non. Le terme s'applique aussi aux films de cinéma.
Drama : C'est une série dite "Dramatique". Généralement elles sont composées d'épisodes de 42 minutes à 1h et à l'inverse des "Sitcoms", elles évoluent dans un milieu réaliste et sont confrontées aux problèmes de la société actuelle ou d'une certaine époque.
*Period drama : désigne une série dramatique en général constituée de plusieurs épisodes.
*Costume drama : série dramatique en costumes d'époque.
Minisérie : Série complète en très peu d'épisodes (pas plus de 10). Elle ne comporte qu'une saison et bénéficie la plupart du temps de plus gros moyens qu'une série normale.
Série : Fiction à épisodes, dont chaque épisode est indépendant, mais partage avec l'ensemble de la série des personnages, décors, thèmes récurrents.
Showrunners : Ce sont les personnes les plus importantes dans la création d'une série. Scénariste, producteur, proche des acteurs, en relation avec la chaîne... Ils sont l'élément clé à la réussite d'une série.
SITES
https://youtu.be/afNg6nIZO-U
Interview de Ioanis Deroide auteur de « Dominer le monde. Les séries historiques anglo-saxonnes » - Ed. Vendémiaire, 2017
https://youtu.be/tpB_ka_hBgQ
The Story of the Costume Drama | PBS
https://www.rts.ch/decouverte/monde-et-societe/culture-et-sport/l-histoire-dans-les-series/8965693-quel-est-l-apport-des-series-historiques-.html
Quel est l'apport des séries historiques ? RTS Découverte - 03 octobre 2017
https://www.rts.ch/decouverte/monde-et-societe/culture-et-sport/l-histoire-dans-les-series/
L'Histoire dans les séries, RTS Découverte -