Le genre et ses stéréotypes au cinéma
« Mais vous êtes la secrétaire de qui alors ? »
OSS 117 : Rio ne répond plus, Michel Hazanavicius (2009)
La question de la représentation des sexes et du genre se pose depuis les origines du cinéma. Le genre (de l’anglais « gender ») ou sexe social est un concept sociologique qui désigne les rapports socialement et culturellement construits entre femmes et hommes.
Comment le cinéma donne-t-il à voir les hommes et les femmes dans leur identité de sexe et de genre ? Comment raconte-t-il la diversité des individus ?
Femme-objet / Homme-objet, le corps érotisé
Le regard porté sur les corps au cinéma a longtemps été un regard masculin. Les femmes ont été reléguées au statut d’objet de désir ou d’accessoire, personnages sans profondeur morale ni psychologie.
Utilisé pour son effet comique, le stéréotype de la blonde superficielle dans les années 50 traduit la réalité d’une pensée commune à l’époque. Marilyn Monroe, icône absolue d'Hollywood est l’archétype de la bombe blonde et glamour.
Pour autant, le corps des hommes a également été filmé comme corps-objet. Parfois exacerbées jusqu'au ridicule, les normes de la virilité ont été bousculées par le 7° art. Des icônes du cinéma muet (Rudolf Valentino) aux stars bodybuildées en passant par les torses avantageux de l'âge d'or hollywoodien ou les minets des seventies, chaque époque a réinventé sa masculinité.
De l’objet au sujet
Selon Iris Brey, historienne du cinéma, dans la majorité des films, les femmes sont vues "de très loin", "comme des choses passives". Les représentations de la domination masculine sont marquées par l’opposition systématique des femmes à des hommes plus grands, plus forts, en position de pouvoir. Les femmes étant très souvent objectifiées et sexualisées.
Cette inégalité de traitement valorise et normalise visuellement une supériorité physique mais aussi symbolique.
Iris Brey propose de changer de prisme : " Au lieu de les regarder, on est avec elles, on est dans leur expérience, dans leur trajectoire : ce qui permettrait de voir les femmes comme sujets et non comme objets : on se mettrait à désirer avec elles, et non à les regarder à leur insu. "
Les personnages masculins font aussi l’objet de stéréotypes. Parmi les plus courants : le comique, le dur, l’homme fort, l’homme d’affaires, le héros. Du coiffeur homosexuel au flic qui s’empiffre de doughnuts, ou qui se noie dans l’alcool après la perte d’un équipier, le cinéma américain en général et les nanars des années 80 en particulier sont truffés de stéréotypes. D’anecdotiques, des traits de caractère propres à certains personnages se sont imposés au fil des films jusqu’à devenir incontournables. Longtemps, dans les films de mafieux, les personnages se sont gominés les cheveux et exprimés comme Robert De Niro dans Le Parrain.
La fin des stéréotypes ?
De nouveaux modèles de représentations du genre font leur apparition dans les films. Les personnages, autant masculins que féminins, sont de plus en plus complexes. L’opposition entre « traits masculins » ou « traits féminins » tend à s’effacer.
Les comédies, notamment, se jouent des clichés et des représentations en les poussant à l’extrême. Comme dans Potiche (François Ozon) où l’on retrouve le stéréotype du mari, patron d’entreprise misogyne, et celui de la parfaite épouse des années 1970 qui s’émancipe. Ou la série des OSS 117 dans laquelle Jean Dujardin parodie le mâle rétrograde. Des productions telles que Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Scary Movie se sont également fait une spécialité de détourner les codes et les stéréotypes cinématographiques, dont ils soulignent le côté caricatural.
Quelle place pour la femme ?
A partir des années 1970, le mouvement féministe a permis aux femmes de remettre en question la domination masculine et le patriarcat.
Au cinéma, les mentalités changent à petits pas. La représentation des genres s’est modifiée mettant en avant l’émancipation féminine. De second rôle ou faire-valoir, la femme devient personnage principal, un sujet en action dans toute sa complexité. Thelma et Louise (Ridley scott, 1991) fut un des films charnière dans la bataille pour l’égalité hommes-femmes au grand écran. Certains personnages féminins ont transgressé les préjugés en s’imposant comme l’égal de leurs compagnons masculins à l’instar d’Uma Thurman dans Kill Bill (Tarantino, 2003). Sandra Bullock dans Gravity incarne un ingénieur médical spécialisé dans l’imagerie radiologique, fonction dans laquelle on trouve peu de femmes dans le cinéma spatial. Et l’image de l’officier Ripley (Sigourney Weaver) dans Alien (Ridley Scott) vient à tous.
On retrouve des personnages féminins forts et indépendants y compris dans le cinéma pour la jeunesse (Hermione Granger dans Harry Potter, la princesse Rebelle de Walt Disney).
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Travestir le genre, les stéréotypes de l’homosexualité
Hormis les poncifs liés au genre, les rôles de travestis et de transsexuels ont toujours fait forte impression sur grand écran. Leur ambiguïté érotique et leur excentricité ont souvent permis aux acteurs de repousser les limites de leur jeu. Le culte Rocky Horror Picture Show (Jim Sharman) sorti dans les années 1970 a marqué les mémoires notamment grâce à la performance de Tim Curry.
Si le travestissement joue avec les codes du genre, il peut être parfois difficile de discerner la frontière entre la parodie et le stéréotype.
Dans Certains l’aiment chaud, Billy Wilder (1959), sous couvert d’un scénario très banal, donne une image du transformisme subtilement audacieuse pour l’époque. Si Tony Curtis incarne la figure classique du personnage qui se travestit à contrecoeur, Jack Lemmon, lui, finit par se découvrir en femme.
Un cinéma du genre ou le reflet de l’évolution des mentalités ?
En questionnant ce qui fait les féminités et les masculinités, le cinéma s’ouvre aux thématiques liées à l’homosexualité, déconstruit les lieux communs, nous rappelle l’engagement d’une communauté (Pride) et donne de la visibilité à des personnes marginalisées (Carol).
En quelques années (depuis les années 2000), le cinéma français a produit des films sensibles et pertinents sur la transidentité et les questionnements sur la sexualité. Dans son premier long métrage, Céline Sciamma filme avec délicatesse la quête de soi et les interrogations sur l’identité sexuelle (Tomboy).
Avec une grande finesse, le film Laurence Anyways (Xavier Dolan, 2012) parle d'amour avant de parler de travestissement, de normalité ou de la controversée théorie du genre. Il s’adresse à tous par sa portée universelle.
Le cinéma est un miroir du réel. Le chemin à parcourir pour mettre à mal clichés et stéréotypes sur la binarité de genre et la domination masculine est encore long.
Portée politique, rapports sociaux, absence de visibilité, oublié(e)s de l’histoire, trajectoires personnelles… peu importe l’angle choisi, ce qui est certain, c’est que le cinéma apprécie jouer avec les codes du genre.
Pour aller plus loin :
http://www.drome.gouv.fr/IMG/pdf/FOL_BRO_FINAL.pdf
https://www.dailymotion.com/video/x2u11mk
https://www.france.tv/slash/martin-sexe-faible/
https://www.liberation.fr/debats/2019/09/18/le-male-gaze-bad-fiction_1752173
https://cafedesimages.fr/education-a-limage/lyceens-au-cinema/oss-117-le-caire-nid-despions/