Dossiers thématiques et Filmographies
Cinéma et Mai 68
Les événements de 68 vont amener les cinéastes à réfléchir sur leur pratique et à la modifier.
Le cinéma révolté
Pour ce cinéma, mai 68 représente une rupture thématique et stylistique. La subjectivité de l'auteur n'est plus mise en avant. La prise de parole à la première personne est dévalorisée par rapport aux expressions d'un groupe, voir de la société tout entière. La forme académique est dévalorisée par rapport à un traitement plus léger, proche du travail de documentariste.
Le film militant
La définition du cinéma militant est formalisée lors des Etats généraux du cinéma de mai 68 qui réunissent tous les corps de métier du cinéma en grève et publient dans leur bulletin un manifeste : Pour un cinéma militant.
"Pour réaliser une rupture idéologique avec le cinéma bourgeois, nous nous prononçons pour l'utilisation du film comme arme politique." Le manifeste fait trois propositions concrètes : que les films soient utilisés comme base d'échanges d'expériences politiques, donc suivis de débats ; qu'ils soient réalisés et diffusés en liaison avec des actions politiques ; qu'ils soient accompagnés d'une information complémentaire.
L'expression "cinéma militant" semble ainsi renvoyer exclusivement à la décennie qui s'articule autour de mai 1968 - auparavant, on parle par exemple de "cinéma de propagande ", ou de cinéma "parallèle ".
La technique majoritairement utilisée est celle du cinéma direct et politisé.
Autre trait formel commun : l'absence fréquente de moyens se traduit par des films généralement courts, en noir et blanc et en 16 millimètres, voire en super 8, dont la forme extrême est le "cinétract" - film de trois minutes, muet, noir et blanc, composé uniquement de photos en banc-titre - l'objectif étant la diffusion et l'agitation immédiates. S'y sont illustrés de concert Godard, Marker et Marc Riboud.
C'est donc mai 68 qui constitue le moment fondateur du cinéma militant : les Etats généraux, l'Institut Des Hautes Etudes Cinématographique en grève, voire même certaines agences de publicité organisent des équipes de tournage qui filment les manifestations, les grèves, la Sorbonne, Odéon, les différents mouvements politiques.
L'héritage de 1968
Ce bouillonnement de mai 68 se poursuit jusqu'au milieu des années 70. L'accession au pouvoir de Valery Giscard d'Estaing, la fin de cinélutte et la mutation vers le documentaire d'auteur que préfigure Nicolas Philibert, proche de Cinélutte, qui réalise en 1978, avec Gérard Mordillat, un film sur les patrons, La voix de son maître.
Slon (Société de Lancement des Oeuvres Nouvelles - et "éléphant" en russe), est fondé par Chris Marker dès 1967, dans la foulée de ce qu'on considère généralement comme le premier film du cinéma militant, Loin du Vietnam, film collectif contre la guerre du Vietnam regroupant les signatures prestigieuses d'Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, Ruy Guerra, Joris Ivens, Jean Rouch, René Vautier. Slon, est créé pour soutenir le tournage de A bientôt j'espère sur la grève ouvrière de la Rhodiaceta à Besançon en 1967, sous l'égide de Chris Marker et Mario Marret. Mais le film est récusé par les ouvriers dès la fin 1967, qui critiquent le "romantisme" de Chris Marker. Ce demi-échec va permettre la formation des groupes de cinéma militant les plus célèbres de l'après 68, les groupes Medvedkine.
La conséquence la plus remarquable de mai 68 est l'émergence d'un cinéma politique de grande consommation symbolisée par "La trilogie" de Costa-Gavras avec Yves Montand :"Z, ou l'anatomie d'un assassinat politique", 1969 (un chef de l'opposition démocratique assassiné avec l'appui du pouvoir dans la Grèce des colonels) ; "L'aveu", 1970 (en 1951 à Prague, un homme politique est arrêté, mis au secret et contraint d'avouer des crimes imaginaires contre le communisme) ; "Etat de siège", 1973 (les Tupamaros enlèvent puis abattent un conseiller américain de la police chilienne).
Cannes, mai 68
Pour le monde du cinéma, mai 68 débute en février 1968, lorsque le ministre de la Culture André Malraux tente d'écarter Henri Langlois, fondateur et directeur de la Cinémathèque française, pour lui donner le poste moins important de directeur artistique.
Face à cette décision, un Comité de défense de la Cinémathèque française est fondé par Truffaut, Godard et Rivette, pour protester contre cette éviction qu'ils jugent injuste. Des manifestations vont avoir lieu, et l'affaire prendre de plus en plus d'ampleur. Des réalisateurs internationaux soutiennent le comité de défense : Chaplin, Welles ou encore Kubrick sont de la partie. Tout le monde s'en mêle : inconnus alors (Daniel Cohn-Bendit) ou des politiciens importants, comme Mitterrand qui trouve choquante la mise à l'écart de Langlois. Malraux finira par réinstaller le père de la Cinémathèque à ses fonctions fin avril. Autant dire qu'à la veille de Cannes, le monde du cinéma n'est pas totalement en accord avec le gouvernement d'alors ...
Considérations politiques mises à part, tout semblait pourtant bien parti. La sélection est variée, avec des films venant de cinq pays d'Europe de l'est, mais aussi des productions britanniques, israéliennes, japonaises, ou encore, bien entendu, françaises. Mais, lorsque le 21e festival international du film démarre, la France est bouleversée depuis une semaine par des révoltes estudiantines. Etudiants et lycéens, face à l'arrestation de 500 manifestants à la Sorbonne, s'affrontent de plus en plus violemment avec la police à Paris.
L'opinion publique s'émeut des revendications des étudiants, qui sont rejoints par les syndicats le 13 mai. À Cannes, l'Association française de la Critique demande aux festivaliers de participer à une manifestation de soutien aux étudiants, ce qui n'est pas vraiment du goût des producteurs, qui sont là pour vendre leurs films, ni de celui de Robert Favre Le Bret, qui dirige le Festival.
Trois jours plus tard une assemblée de producteurs, réalisateurs et professionnels en tout genre du monde du cinéma demandent, sous l'égide de ce qu'ils nomment Les Etats généraux du Cinéma, l'arrêt du Festival. Claude Lelouch, qui vient de présenter son long-métrage Treize jours en France, est choisi pour aller annoncer leur décision à Le Bret : clore le Festival.
Le 18 mai, pendant une réunion organisée pour discuter de l'affaire Langlois, Truffaut qui vient d'arriver de la capitale rejoint l'avis de la plupart des réalisateurs présents : il faut arrêter le festival. Ils se rendent alors dans la grande salle du palais, où doit être projeté Peppermint frappé de Carlos Saura, pour en empêcher la projection et annoncer publiquement l'annulation du Festival.
Favre Le Bret annonce que le Festival s'arrête officiellement le 19 mai à midi, sur décision du conseil d'administration.
Sites
Le Ciné-club de Caen vous propose des analyses destinées à être lues après avoir vu les films.
https://www.cineclubdecaen.com/analyse/cinemafrancais70.htm
Ecran Noir est le plus ancien des e-zines de cinéma sur le web francophone.
http://ecrannoir.fr/blog/blog/2017/05/09/cannes-70-1968-lautre-festival-qui-na-pas-eu-lieu-2/
Cette base de données est un catalogue raisonné qui propose une sélection de films identifiés et localisés qui témoignent de la société, de ses soubresauts, de ses combats, de ses utopies...
http://www.autourdu1ermai.fr/bdf_periode-14.html
Bibliographie
Cannes cinéma : l’histoire du Festival vue par Traverso / textes de Serge Toubiana.- Cahiers du Cinéma, 2003. 43.03 CAN
50 ans de cinéma français depuis 1945 / René Prédal.- Nathan, 1996. 11.02 FRA PRE
Filmographie/Bibliographie
La reprise du travail aux usines Wonder
Festival de Cannes 1968

