LA MUSIQUE SOUL
Petit aperçu de la musique Soul
La musique de l'âme désigne aux Etats-Unis un style exclusif de la musique noire diffusée commercialement dès le début des années 60. On peut considérer la soul comme une sécularisation du gospel, ou tout au moins un retour du rhythm'n'blues aux sources de la musique d'église dont il était en partie issu. Le terme même de soul (« âme ») indique cette filiation : c'est l'âme de l'interprète qui s'exprime à travers sa voix, on y retrouve une part de l'émotion sacrée et de l'illumination intérieure du gospel, accommodées généralement à des thèmes profanes, et en particulier à l'amour charnel.
Le mot est apparu dans un contexte musical avec des créateurs du jazz comme Horace Silver, Cannonball Adderley ou Milt Jackson qui entendent manifester par ce vocable aux fortes connotations mystiques un respect profond, presque religieux, pour les racines de leur art. Le mot soul entre rapidement dans le vocabulaire du ghetto pour désigner l'essence même de cette négritude chère à Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. Ajoutons que le terme soul a de tout temps signifié, dans l'argot des noirs américains « sincérité » et « authenticité ».
Mais il faudra attendre 1969 pour que toute la profession suive le mouvement, Billboard (magazine américain consacré à l'industrie du disque) officialisant la démarche en rebaptisant ses hit-parades Rhythm & Blues* (R&B) du nom de « Soul charts » le 23 août de cette année-là.
C'est à l'église que la plupart des chanteurs noirs de l'après Seconde Guerre mondiale ont appris les rudiments de la technique vocale. Les racines de la soul music sont les ring shouts*, les negro spirituals* et les musiques vocales comme le doo-wop*. La «musique de l'âme» assimile l'influence du gospel, notamment par la redécouverte de la forme appel-réponse présente dans les offices religieux.
Des artistes comme James Brown et Sam Cooke, une star du gospel avec son groupe Soul Stirrers, posent les bases du genre. Le premier transforme le concert en cérémonie païenne où la danse devient transe tandis que le second évoque déjà des thèmes sociaux ("A change is gonna come", repris par The Neville Brothers). Lancé par les disques Atlantic dès 1954, Ray Charles perpétue l'héritage du blues. Le genre prend assez vite son essor. Dans les années 1960, Otis Redding (sous le label Stax*) atteint des sommets d'expressivité grâce à un style vocal complet qui dialogue constamment avec une section de cuivres. Ces deux artistes majeurs commencent à intéresser le public blanc, tout comme la firme Tamla Motown* avec des interprètes comme The Temptations (une influence majeure du rock, des Rolling Stones à Rod Stewart), The Four Tops, Stevie Wonder, Marvin Gay, Aretha Franklin ou Sam & Dave. Durant ces années, la soul explose avec une pléiade d'artistes qui restent pour beaucoup des jalons dans l'histoire de la musique populaire américaine. En orientant la soul vers une formule plus pop et plus dansante, la Tamla Motown sera accusée, par certains puristes, de dénaturer le genre. A partir du moment où un artiste noir, comme Stevie Wonder, est entièrement adopté par les blancs, on aura tendance à ne plus parler de soul, mais de pop.
On notera que l'on fait aux Etats-Unis une distinction entre la Southern Soul (« Soul du Sud ») dont le berceau est Memphis, avec Otis Redding, Sam & Dave et les autres artistes de l'écurie Stax-Volt*, revendiquant la proximité de ses racines, et la Northern Soul (« Soul du Nord »), avec des artistes issus de la Motown (tels que Chuck Jackson, les Four tops, The temptations ou The Supremes) généralement de facture plus pop. Au tournant des années 70 des artistes tels que Al Green, Isaac Hayes, et quelques groupes comme les Staple Singers et Harold Melvin (& the Blue Notes) perpétuent encore quelques années la tradition d'une soul authentique. Mais la Soul décline dans la seconde partie de la décennie, les ventes de disques étant alors dominées par le disco. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, de nouveaux artistes renouvellent le genre, à l'image de Michael Jackson avec "Off the Wall", Rick James, Roger & Zapp, Prince et Luther Vandross. Ils popularisent définitivement la soul. Un peu plus tard, en samplant les standards des années 1960 et 1970, le rap contribuera à une nouvelle popularité de la musique soul. Certains groupes iront plus loin et fusionneront soul, rap et pop music, pour donner naissance à une neo soul (ou nu soul) dans la seconde partie des années 1990 (fusion d'instrumentations organiques mais typées hip-hop et de textes et vocalises toujours dans l'esprit soul). D'Angelo, De La Soul, Erykah Badu, Maxwell et Omar, seraient à l'origine de ce mouvement.
Dans les années 2000 quelques artistes, parmi lesquels Lee Fields, Sharon Jones & the Dap Kings, Charles Bradley, ou encore Amy Winehouse, renouent avec une soul classique revenant aux racines originelles de cette musique de l'âme.
La musique soul est l'un des principaux mouvements musicaux authentiques venu des Etats-Unis. Au même titre que le jazz, le blues et le gospel, des genres dont elle s'est ouvertement inspirée, elle a aussi influencé le hip hop, la house music et le r'n'b contemporain. Elle est l'un des plus formidables courants issus de la musique noire américaine.