JAZZ VOCAL
Petit historique du jazz vocal
Apparu au début du XXe siècle, le jazz - musique instrumentale par excellence - a parmi ses racines des musiques à dominante vocale : chants hérités du folklore d'Afrique de l'ouest, work-songs, field hollers, blues et spirituals ont en commun la place importante accordée au chant.
Les tout premiers ensembles de jazz - brass bands de la Nouvelle-orléans et de Chicago - sont pourtant instrumentaux ; il faut attendre les années 20 pour entendre une des plus grandes voix du jazz, le génial trompettiste Louis Armstrong.
Du côté du blues, Ida Cox, Ma Rainey, Bessie Smith, Mamie Smith, Ethel Waters et d'autres balisent le terrain pour les chanteuses de jazz par le biais notamment des enregistrements sur disque à destination des populations noires - les Race records - qui leur permettent d'élargir leur audience. («Crazy blues» Mamie Smith, 1920).
A partir des années 30 et l'ère du swing, les grands orchestres engagent des chanteuses et chanteurs en leur attribuant soit une place centrale, soit dans un but avoué purement «décoratif» (les canaris). Certains se lanceront après-guerre, lors du déclin de ces grands orchestres, dans des carrières solo parfois aux confins du jazz et de la chanson populaire (Ella Fitzgerald, Anita O'Day, Louis Prima, Jimmy Rushing, Frank Sinatra).
La vivacité du Swing s'exprime par le scat et le jive, nouveaux «langages» permettant d'explorer les possibilités de la voix et prétextes à des improvisations loufoques et entraînantes (Cab Calloway, Slim & Slam, Leo Watson…).
C'est aussi le boom des groupes vocaux dont les harmonies héritées de l'époque des minstrels continuent de séduire le public : Andrews sisters, Boswell sisters, Mills brothers (aux étonnantes performances vocales qui imitent à s'y méprendre les instruments).
Avec l'arrivée du Bop, au début des années 40, les chanteurs adoptent en plus du scat une nouvelle façon de chanter, le vocalese, qui vise à reproduire les soli virtuoses des instrumentistes en y substituant des textes très écrits (Eddie Jefferson, Lambert, Hendricks & Ross).
Les différents styles ultérieurs (Latin jazz, cool, free-jazz, jazz-rock) auront également leurs interprètes vocaux, dans des registres différents et pour une plus faible part en ce qui concerne le free-jazz et le jazz-rock.
Outre les compositions des jazzmen, le répertoire du jazz vocal s'est bâti sur les chansons populaires de Tin pan alley ou les comédies musicales de Broadway qui à leur tour empruntaient au jazz pour alimenter leurs créations. Les grands auteurs de l'époque, Harold Arlen, Irving Berlin, Jérôme Kern, Georges Gershwin, Cole Porter…ont ainsi façonné un grand nombre de standards compilés dans le Great american songbook.
Les thèmes abordés vont du léger au tragique, des chansons d'amour (épanoui ou contrarié) aux textes poignants traitant de sujets cruciaux comme la ségrégation et la lutte pour les droits civiques, servis par des interprètes dotés de voix qui excellent à transmettre l'émotion souhaitée : fragile et feutrée (Chet Baker), féline, poignante (Bille Holiday), lasse et désabusée (Jack Teagarden), veloutée (Mel Tormé), rocailleuse (Louis Armstrong) ou puissante et revendicatrice (Abbey Lincoln).
Aujourd'hui le jazz vocal a élargi son champ d'action en côtoyant encore davantage la pop music, les musiques du monde (voix nordiques, asiatiques, orientales…) et les actuelles musiques noires (hip-hop, r'n b…).